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Journée nationale de la Mémoire pour la Vérité et la Justice (24 mars)

Updated date: 05/09/2013

Journée nationale de la Mémoire pour la Vérité et la Justice (24 mars)

 

I. Ce nouvel anniversaire du coup d'état qui a marqué le début de l 'une des dictatures les plus sanglantes du continent, nous permet de réfléchir non seulement sur notre histoire tragique et sur la lutte incessante menée par les organismes des droits de l'homme contre l'impunité mais aussi sur notre vision de l'avenir en tant que pays.

L'évolution progressive tendant à introduire les droits de l'homme parmi les priorités de la politique intérieure et étrangère de l'Argentine, à partir du retour de la démocratie en 1983, a enregistré des avancées et certains reculs significatifs. Cependant elle a, de toute évidence, permis de passer des étapes très importantes reconnues au niveau international concernant les violations massives et systématiques des droits de l'homme qui ont eu lieu pendant le terrorisme d état.

La maturité atteinte par notre société et nos institutions, le travail incessant du mouvement national des droits de l' homme dans la recherche légitime de la justice et la volonté politique qui a vu le jour à partir de la moitié de 2003 ont eu pour effet que, pour la première fois dans l 'histoire de la démocratie de notre pays, les trois pouvoirs de l' état surmontent simultanément et successivement les obstacles juridiques pour identifier et punir, au cours de procès pénaux ordinaires et à l' issue d' un procès en bonne et due forme, les responsables desdites violations.

A cet égard, l' état d avancement actuel des poursuites judiciaires pour délits de lèse-humanité (actualisé en décembre 2011) enregistre, à ce jour, les chiffres suivants :

- Nombre total de personnes inculpées : 843 personnes dont plus de la moitié (590) sont déjà inculpées dans une procédure orale ou pour lesquelles un juge a demandé que des poursuites soient lancées à leur encontre.

- Quantité de personnes condamnées pour délits de lèse-humanité : 267 personnes.

Il convient de dire qu il y avait, jusqu en 2008, 70 personnes condamnées. la fin 2009, ce chiffre est passé à 100 et, à la fin 2010, à 199. Pendant l année 2011, 21 procès ont eu lieu au cours desquels 91 personnes ont été jugées, dont 8 ont été acquittées et 83 condamnées.

- A l' heure actuelle, il y a 11 procès en procédure orale en cours et on estime qu au cours de 2012, ce chiffre devrait passer à 19.

* Source : Unité fiscale dépendant du Ministère public fiscal et chargée de la coordination et du suivi des procès pour violations des droits de l' homme commises pendant la dernière dictature.

 

II. L' expérience argentine décrite au point précédent fait que notre pays est devenu chef de file dans ce domaine, que notre politique étrangère soit connectée aux principales évolutions enregistrées au niveau international dans le domaine des droits de l' homme et que nous nous consolidions comme points de référence dans les débats fondamentaux de la communauté internationale à l 'occasion de forums et de débats formels et informels sur des questions telles que, notamment, la prévention du génocide, l' éducation sur l' holocauste et les autres génocides, la perspective des droits de l' homme et de la prévention dans ce que l' on appelle la responsabilité de protéger ainsi que les évolutions juridiques en matière de disparition forcée de personnes, le droit à la vérité ou l' utilisation de la génétique médico-légale liée aux droits de l' homme. En effet, l' action du Ministère des Affaires étrangères à l' ONU a permis que ces trois dernières initiatives voient le jour, grâce au soutien massif des pays membres et de nombreux pays qui ont parrainé ces initiatives. Ces actions ont notamment eu pour conséquence que la Présidente du Conseil des Droits de l' homme à Genève propose en mars dernière le nom de Pablo de Greiff comme premier Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non répétition. Il s' agit d' un mécanisme spécial créé à partir d' une initiative conjointe de l' Argentine et de la Suisse.

Les développements en Argentine et notre rayonnement comme pays dans les forums multilatéraux spécialisés nous ouvrent également une porte directe sur le dialogue et la coopération bilatérale en matière de droits de l' homme avec des pays de différentes régions et cultures et divers niveaux de développement et situation politique. En effet, ces derniers considèrent, d' un côté, que nous disposons d' une vaste expérience politique et juridique susceptible d' être transmise et, de l' autre, que nous avons la volonté de coopérer pour contribuer aux progrès en matière de droits de l' homme dans d' autres pays, de manière non intrusive et en respectant les contextes historiques et politiques propres à chaque pays, région ou culture.

 

III. Par ailleurs, les États Parties du MERCOSUR et les États Associés observent une volonté politique renouvelée émanant également des institutions législatives et judiciaires de divers pays afin d avancer en direction de la mémoire, de la vérité, de la justice et de la réparation. Cela passe également par l' acceptation et la vérification judiciaire de l' existence d' une coordination répressive entre les dictatures en place dans la sous-région à l' époque, qui coopéraient entre elles pour perpétrer des crimes insensés. La récente reconnaissance, de la part de l' État uruguayen, le 21 mars dernier des violations des droits de l' homme commises à l' encontre de Macarena Gelman et de sa famille symbolise l' évolution de notre sous-région dans ce domaine. Et, parallèlement aux développements de la Commission Vérité au Brésil ou aux nombreux procès et aux condamnations judiciaires au Chili, il apparaît que d' autres sociétés et institutions proches de notre pays sont également en train de progresser dans la même direction.

En d autres termes, on peut considérer que l' évolution en matière de droits de l' homme dans le Cône Sud (et en Argentine en particulier), dans un contexte de paix, de démocratie et de procès en bonne et due forme, représente une véritable contribution de la part de notre sous-région en vue de faire en sorte que la communauté internationale dans son ensemble fasse un pas crucial qui permettrait progressivement de décider d éradiquer la tolérance vis-à-vis de l impunité en matière de crimes de lèse-humanité, tout comme, de par le passé, la tolérance vis-à-vis de l' esclavage, de la torture ou de la discrimination raciale systématique a été éradiquée.

 

IV. Enfin, il convient de souligner que l' évolution de notre processus en matière d' éradication de l' impunité pour ce type de crimes a un impact direct sur le développement progressif d autres questions importantes pour le présent et l' avenir, en matière de promotion et de protection des droits de l' homme.

Les progrès dans la condamnation de ces crimes, qui continuent d' exister encore aujourd hui dans la mesure où il y a encore des personnes disparues et des enfants (aujourd hui devenus adultes) qui ont été appropriés ou sont nés en captivité et qui n' ont toujours pas été retrouvés, font que l' Argentine est mieux positionnée pour pouvoir contribuer, avec une légitimité accrue, aux évolutions au niveau international dans d' autres domaines qui, pour nombre d' entre eux, ont notamment une incidence sur les développements internes en Argentine. C' est le cas de la discrimination fondée sur l' orientation sexuelle, les progrès juridiques en matière de protection internationale des droits des majeurs, l' abolition de la peine de mort, les droits de l' homme des migrants sans préjudice de leur statut migratoire, la protection des réfugiés ou la perspective des droits de l' homme dans les politiques sociales.

 

 

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